carte postale publicité parue dans l'Illustration 1915

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C'est bien connu, les poilus écrivent, ils écrivent beaucoup. Des cartes, des lettres, juste quelques mots pour maintenir le contact, ou bien des textes plus longs et significatifs.

Dans ce monde paysan du sud-ouest, on pense à la ferme, aux travaux des champs : on s'inquiète de la tenue des affaires bien sur, mais on y voit aussi la nostalgie de reprendre sa vie de paysan :

"Tu dois certainement être occupé aux grands travaux des moissons et vous devez vous donner quelque chose comme peine, tant de manquants dans les champs."Felix Batut-16 juillet 1915
"Nous avons vendu le veau, nous en avons fait 190fr, mais seulement il faut le garder jusqu'à jeudi. C'est Romain qui nous l'a acheté." Jenny Perry à son mari mobilisé-sans date
"(...) Nous avons acheté un cochon, mais ils sont toujours très chers. Avec Euphrasie nous avons pris deux frères, les plus jolis nous avons choisi, mais il nous coûte 115fr. Mais enfin ils sont un peu gros."Jenny Perry à son mari mobilisé-12 juin 1916
"Hier et aujourd'hui nous avons Prévot pour labourer. Maman apprend à labourer. Mardi avec Delon, elle apprenait à labourer avec les vaches."Marie Perry à son père mobilisé-24 août 1916
"J'ai vu sur le journal que la grêle et l'orage avaient fait de grands ravages à Montauban et aux environs. Quand vous m'écrirez, vous me direz si à Montalzt c'est pareil."Xavier Perry-11 juillet 1916
"Ta mère me dit que les raisins prennent mal, et je vois sur ta carte que vous avez sulfaté; si les raisins prennent mal, je crois que le souffre leur ferait plus de bien encore que la sulfate"Xavier Perry-22 juillet 1916
"(...) je comprends qu'avec ces durs travaux de la moisson que vous êtes en train de faire, elle (ndr: la carte postale) va vous trouver fatigués. Ce qui me chagrine en ce moment c'est de ne pas pouvoir être là pour vous aider. Enfin, il faut espérer que l'année prochaine il n'en sera pas ainsi."Xavier Perry-17 juillet 1917 "Vous allez tuer le cochon bientôt, et peut-être en ce moment il n'est plus en vie." Maurice Bach- 01 février 1919

Les textes de la famille racontent le quotidien à l'arrière, et dans ce quotidien on y trouve l'empreinte de la guerre :

"J'ai vu avec plaisir que tu travailles à me faire un cache-nez.Tu es bien sage. Ne le fais pas trop grand car il sera moins encombrant."Xavier Perry-sans date
"A l'école, au lieu de rentrer à huit heure nous rentrons à sept heures, nous sortons à dix heures et au lieu de sortir à quatre heures, nous sortons à trois heures. Valin est venu couper le près de Fraysse. Maman t'écriras plus long demain."Marie Perry à son père mobilisé-sans date
"Hier j'ai oublié de vous dire que le cousin Jean vient jeudi avec l'officier de réquisition. Il vous faudra faire votre possible pour bien les recevoir. Vous pourrez, s'ils viennent, tuer une poule, ce sera meilleur."Xavier Perry-23 mars 1915
"Hier je suis allée à Caussade. J'ai vu beaucoup de soldats en permission. Il y avait du 132ème territorial. J'ai vu Nélie Batut qui nous a demandé de tes nouvelles. Benjamin est à la 26ème compagnie du 11ème."Marie Perry à son père mobilisé-6 mars 1915
"Ici à Montalzat il y a une douzaine de réfugiés. Ils sont du nord. Madame Decavele est de Tourcoing, elle a 8 enfants (...) il y en a une autre qui est de Lille."Marie Perry à son père mobilisé-26 mars 1916
"(...) Ta mère me dit que tu les as aidé à ramasser le blé. Aussi j'ai été très satisfait quand j'ai vu que tu allais à Lourdes avec la mémé, tu prieras la st. vierge pour moi."Xavier Perry-29 juillet 1916
"Quand j'ai appris que votre frère était décédé, ça ne m'a pas fait grand plaisir, car je vous assure que moi j'en ai eu l'épreuve de passer dans des vies tristes et désagréables, mais il faut prendre ce que Dieu nous envoie."Albert Rossignol-sans date.
Les années de guerre sont entrecoupées de séjours à l'hôpital et de permissions (voir chapitre "convalescence en normandie" et "13 mois loin du front"). A chaque fois, le soldat évoque la dualité entre le repos, le calme, la joie lorsque l'on est en famille ou choyé par les infirmières, et l'angoisse, le dégoût de retrouver ensuite le front :

"Je vous dirais que toujours je suis à Angers et encore je ne sais pas quand est-ce que je partirais d'ici. D'un côté il me tarde pour voir ma chère femme et toute la famille, mais de l'autre, je préférerais bien mieux rester à l'hôpital que de me presser d'aller chez moi et puis revenir sur le front" Albert Rossignol-21 août 1915
"Me voila maintenant revenu à l'hôpital depuis hier et je vous assure que je me sens bien plus heureux que les deux mois que je suis resté au dépôt et que j'était prêt à repartir sur le front." Albert Rossignol-24 novembre 1915
"Abdon est venu pour voir son petit fils qu'il n'avait pas vu naître. Il a été bien content de le voir, mais les sept jours ont été bien courts. Il lui faisait de la peine à repartir, surtout d'aller repartir sur le front." Albert Rossignol-23 août 1916
destructions à Baccarat publicité parue dans l'Illustration 1915
carte patriotique On envoie parfois une carte postale montrant des destructions ou des tombes, mais on ne parle jamais des horreurs de la guerre. Lorsque l'on évoque un parent tué, on le fait avec retenue et beaucoup de pudeur.
Par contre, on retrouve très souvent la lassitude, le rejet de cette guerre et l'envie de la voir se terminer :

"Je te souhaite que Dieu te conserve la santé et que tu reviennes bientôt afin que je puisse t'embrasser. C'est le voeu le plus ardent de tout mon petit coeur. Bonne année cher papa et reçois mille baisers de ta fille chérie qui t'embrasse de coeur" Marie Perry à son père mobilisé-28 décembre 1914
"Quand cette bonne nouvelle arrivera-t-elle que nous finissions d'entendre tonner ce maudit canon pour toujours." Felix Batut-13 avril 1915
"Bien le bonjour à toute la famille et aux cousins. Nous aurions besoin que ça finisse." Raymond Robert-13 mai 1915
"J'ai vu que vous aviez eu beaucoup de permissionnaires. Il nous faudrait la grande permission, mais je crois qu'elle va tarder à venir." Raymond Robert-29 décembre 1915
"Le bon plaisir de voir se terminer cette maudite guerre et de se revoir en famille" cousine Lucie-9 avril 1916
"Rien de nouveau à Salonique, simplement quelques incidents de frontière. Les chaleurs commencent à se faire sentir. Encore une fois ayant bon courage et bon espoir que la fin de ce maudit fléau arrive bientôt et que l'on se reverra à Verfeil avant la fin de l'année." Louis Valade-17 mai 1916
"A Montalzat tout le monde se porte bien me dit-on.Mais n'empêche pas qu'on est fatigué de nous savoir si éloignés. Espérons qu'en ce moment on joue la finale et que nous aurons le plaisir de nous revoir bientôt." Felix Batut-14 juin 1916
"Il faut espérer que l'année prochaine cette maudite guerre sera finie et qu'alors nous aurons le bonheur de nous revoir tous ensemble." Marie Perry à son père mobilisé-6 mai 1916
"Ici à Toulouse c'est toujours pareil : nous fabriquons toujours (ndr: des munitions), mais il vaudrait mieux la paix que tout ça. Enfin il faut espérer qu'elle est proche." signature illisible-2 avril 1917
"Nous partons ce soir à six heure et demi pour remonter aux tranchées. Ce serait bien plus agréable d'assister au feu de la st Jean que nous faisions à Montalzat que d'aller voir les fusées dans les tranchées. Il faut espérer que l'année prochaine il n'en sera pas ainsi." Xavier Perry-24 juin 1917
"Vous devez être occupés à rentrer le foin et je me figue que le travail ne doit pas vous manquer. (...) Il faut espérer que l'année prochaine cette maudite guerre sera finie et que je serais là pour vous soulager un peu. La bataille continue toujours du côté de Montdidier mais ça ne pourra pas durer toujours comme ça, ils seront obligés de s'arréter, et alors les permissions reprendront." Xavier Perry-14 juin 1918



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