DANS LES CHAMPS DE BETTERAVE


trajet du 6e GCC début octobre 14 le pas-de-calais...
Aux premiers jours d'octobre, le 6ème GCC débarque à Hazebrouck. Ils ont sur les terres du pas-de-calais... les allemands aussi; ces derniers ont franchi la frontière au sud-ouest d'Ypres, à Bailleul et Armentières.
Jusqu'au 10 octobre ils patrouillent avec les cavaliers, du nord à Cassel, au sud à Merville, en passant par Caetres et Strazeele.
Le 11 octobre, les allemands ont avancé jusqu'à Neuf-Berquin. Pendant plusieurs jours, les cyclistes et les cavaliers s'attellent à les repousser vers la frontière. Les allemands reculent, mais ils résistent à Sailly-Sur-La-Lys : ils ont fait sauter le pont et se sont retranchés.
Le 15 au soir, l'ordre est reçu de reprendre le village. La nuit tombe, les chasseurs mettent la baïonnette au canon, les dragons mettent pied à terre. Les deux unités traversent la rivière peu profonde et enlèvent le village aux allemands. Ces derniers lancent contre-attaque sur contre-attaque pour reprendre Sailly, mais les cyclistes et les dragons tiennent leurs positions toute la nuit. La nuit se finit lorsqu'ils voient avec soulagement les troupes anglaises qui viennent les relever.
Le 6ème GCC aura sa citation pour ce combat. "Le 6ème Groupe Cycliste est cité à l'Ordre de la 6ème Division de Cavalerie :« Pour la manière brillante dont il a enlevé, de nuit, puis défendu le village de SAILLY, le 15 Octobre 1914 »." (livre d'or du 6ème GCC, capitaine Buisson)
Mais pas le temps pour du repos! Les cyclistes enfourchent leurs bicyclettes le lendemain et roulent vers le nord : cette fois on va bien en Belgique.

en Belgique...
Le 6ème GCC part de Doulieu le 16 octobre, traverse Bailleul et passe en Belgique. C'est une succession de petits villages sur la route d'Ypres.
L'entrée en Belgique, Maurice Bach s'en souvenait bien! Les cyclistes arrivent à l'entrée du village belge qui semble désert lorsque des cris fusent de partout. Les chasseurs prennent peur, ils pensent tous à une attaque allemande à la baïonnette. Les images du combat de la veille à Sailly refont surface dans leurs esprits. Quel soulagement lorsqu'ils s'apercoivent que ce sont les villageois belges qui crient "les français! Vive les français" et qui accourent pour les saluer et leur offrir des galettes!
Les chasseurs poursuivent leur route, traversent Ypres et arrivent à Zonnebeke le 18. Le 19 au matin, ils enfourchent leurs bicyclettes pour faire une reconnaissance à Roulers, à une dizaine de kilomètres au nord-est.

Ils rencontrent les allemands à Paschendaele, mais ces derniers offrent peu de résistance : "Le Groupe (...) se trouve aux prises à l'entrée de la ville avec des Cyclistes allemands. Il y a un point d'honneur, ma foi, à ne pas être inférieur ! Le succès est complet : tout ce qui n'est pas tué ou blessé est fait prisonnier." (livre d'or du 6ème GCC, capitaine Buisson). Le groupe roule ensuite jusqu'à Roulers qui devient un avant-poste que doit tenir la 6ème DC.
Les allemands contre-attaquent dès le lendemain matin, pilonnant avec l'artillerie le nord de Roulers où se tiennent les chasseurs, puis le centre de la ville. La 6ème DC doit se replier. Les cyclistes se postent alors au sud-ouest de la ville pour couvrir la retraite des cavaliers. Les fantassins allemands ne tardent pas à arriver... ils sont une première fois repoussés par les lebels des chasseurs qui les arrosent copieusement.
La seconde charge allemande ne déclenchera pas un tir des chasseurs... les soldats allemands poussent devant eux des civils belges. "Les lâches reviennent alors, poussant devant eux des femmes et des enfants ; les nôtres cessent le feu aussitôt et battent en retraite par PASCHENDAELE"(livre d'or du 6ème GCC, capitaine Buisson)
Les chasseurs cyclistes remettent le fusil à la bretelle et se replient sur Ypres.
carte postale pour la Belgique

carte postale pour la Belgique retour à Paschendaele...
Le lendemain 21 octobre, le 6ème GCC reprend la route vers Roulers. Les allemands sont aux abords de Paschendaele qu'une batterie d'artillerie anglaise ne peut plus défendre. Maurice Bach part en avant avec le 3ème peloton.
Les cyclistes laissent leurs vélos dans Paschendaele et s'engagent dans les champs de betterave à la sortie du village. Les allemands sont partout! Ce n'est pas un groupe de reconnaissance comme il y a deux jours, ce sont des milliers de fantassins qui avancent. Les chasseurs sont cernés. Pris sous le feu des mausers ennemis, ils arrivent quand même à se replier vers le village où ils ont laissé leurs bicyclettes. Mais les allemands les y attendent : les premiers arrivés aux vélos sont tués ou faits prisonniers. Le commandant du 3ème peloton crie la consigne "Sauve qui peut. Pas de prisonniers" (n.d.r. il faut comprendre "ne vous laissez pas prendre prisonniers"). Les chasseurs repartent dans les champs de betteraves. On saute les clôtures et les fossés, on rampe, on procède par "bonds"... Maurice a eu les pantalons complètement déchirés par un fil de fer barbelé, les balles percent les feuilles de betterave tout autour de lui. Après un bon moment à ramper dans les champs, les cyclistes entendent "Arrêtez-vous les chasseurs"... ils levent la tête et aperçoivent un peu plus loin le commandant d'artillerie qui les interpelle et leur fait signe de le rejoindre. La zone occupée par cette unité d'artillerie est un peu plus calme -les obus allemands leur passent au dessus la tête- et les rescapés du 3ème peloton peuvent souffler; entre les godillots et la vareuse, Maurice n'a plus que des lambeaux de tissus.
Les 1er et 2ème peloton ont de leur côté prêté main forte aux anglais. Le 6ème GCC se reforme et se replie vers l'Yser.

Que d'eau! Que d'eau!
Les chasseurs cyclistes passent la fin octobre entre Dixmude et Boesinghe. Au coude-à-coude avec les anglais, ils doivent fortifier les positions alliées et resister à l'avance allemande. Jour et nuit les obus pleuvent, jour et nuit les fusils et les mitrailleuses sont en action.
Le 25 octobre, le roi Albert de Belgique décide d'ouvrir les écluses afin d'inonder les plaines belges à l'ouest de l'Yser : le but est d'arrêter l'avancée des troupes allemandes. Le jour même à 17h Foch est averti et donne son accord. Profitant de la marée haute, les belges ouvrent les écluses dans la nuit du 26 au 27 octobre.
Cette nuit là, Maurice Bach se trouve avec une demi-douzaine de chasseurs sur un poste avancé lorsque la montée des eaux les surprend. Il fait nuit-noire, ils sont complètement désorientés. Vers où faut-il aller pour rejoindre le cantonnement du groupe? Les allemands sont tout proches, il n'est pas question de marcher au hasard! Les chasseurs décident alors de rester sur place. Ils passent la nuit entière avec de l'eau jusqu'à mi-poitrine, la peur de mourir noyés les maintient éveillés. Au petit jour ils retrouvent quelques repères dans le paysage inondé et peuvent rejoindre le reste du groupe.

les derniers combats de Maurice en Belgique : casse-pipe à Zonnebeke...
Dans la nuit du 30 au 31 octobre, la 6ème DC va relever les troupes anglaises en première ligne aux environs de Zonnebeke. Les cyclistes s'installent dans des tranchées peu profondes, à 400 mètres devant eux se trouve la parallèle de départ allemande.
Ce que découvre Maurice à Zonnebeke, c'est le début de la guerre des tranchées, avec la tactique d'assaut qu'il retrouvera tout au long de la guerre : Les 77 et 105 allemands pilonnent la tranchée des chasseurs; puis l'artillerie se tait et les fantassins allemands partent à l'assaut. Ils ont 400 m à franchir pour arriver aux lignes des cyclistes. Ces derniers les fusillent comme au casse-pipe. "Posément, les Chefs de Sections commandent le feu : on tire lentement, on vise bien et les balles font de terribles ravages dans les rangs. De nombreuses taches grises couvrent la plaine. (...) Les tentatives d'assauts ennemis se renouvellent sans répit, mais les Chasseurs, calmes et crânes, fauchent tout ce qui se présente. (...) On vise lentement ; chaque balle troue des corps ou fait sauter des têtes. L'ennemi s'acharne, il ne gagne pas un pouce de terrain." (livre d'or du 6ème GCC, capitaine Buisson)
trajet du 6e GCC début octobre 14

carte postale pour la Belgique
A 30 m sur la gauche des cyclistes se trouve un petit bois; là les fantassins allemands ont reussi à prendre pied. Les artilleurs à cheval qui soutiennent les chasseurs hésitent à tirer avec leurs 75 : c'est bien trop près des lignes françaises! Mais la situation devient vite critique, et les artilleurs se décident : "Je sauve les Chasseurs ou je les tue, dit le Commandant d'Artillerie, et le tir se déclenche." (livre d'or du 6ème GCC, capitaine Buisson). Les cyclistes s'accroupissent dans leur tranchée pour éviter les éclats. L'attaque allemande est stoppée... pour le moment.
Le lendemain, les dragons de la 6ème DC viennent relever les cyclistes. Mais ces derniers ont à peine fait quelques kilomètres vers l'arrière que l'on vient les rappeler : les dragons viennent de se faire tous massacrer! Les chasseurs retournent aux tranchées. Ils connaissent la chanson : artillerie - attaque d'infanterie - artillerie - attaque d'infanterie... Ils tiendront ainsi jusqu'au 4 novembre.

Alors que le groupe va au repos à Zonnebeke, Maurice -malade- part rejoindre le poste de secours de Hondschoote. Le 06 novembre, il est évacué à Zuydcoote.



les inondations sur l'Yser
inondations sur l'Yser inondations sur l'Yser

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