carte patriotique

les cyclistes en Lorraine









été 1914.
L'été 1914 débute bien tranquillement pour les chasseurs du 6èmeGCC : ils assurent la sécurité à l'exposition internationale de Lyon (mai-novembre 1914). Maurice raconte à ses parents d'un ton émerveillé ce qu'il y voit : les immenses bâtiments d'acier et de verre (..."je vous assure que c'est joli, vous pouvez pas le comprendre sans les voir, c'est bien réel comme sur la carte"...), les courses de voiture (..."des voitures de toute puissance"...), les "chinois" avec leurs pouss-pouss, ... Il est aussi impressionné par le passage du Président Poincaré entouré de nombreuses personnalités (..."il y avait des gens de toute puissance (sic), beaucoup d'allemands"...).

L'insouciance du temps de l'exposition internationale prend brusquement fin le 31 juillet : la 6e Division de Cavalerie est rassemblée et embarque immédiatement pour la Lorraine. Les chasseurs arrivent le 01 août à Chatel sur Moselle et vont cantonner le jour même à Hablainville. Les troupes ont ordre de rester à 10km de la frontière.
Le 03 août la guerre est déclarée. Tous les conscrits de 1911 à 1913 vont être envoyés sur le front. A Hablainville, un officier réunit les chasseurs cyclistes et leur dit : "Mes enfants, c'est la guerre; mais ce ne sera l'affaire que de quelques jours, quinze jours, un mois peut-être et vous rentrerez chez vous".



au jeu du chat et de la souris.
Au début, ce furent des patrouilles de reconnaissance et des escarmouches le long de la frontière au nord de Herbeviller; sur leurs bicyclettes, les chasseurs sont toujours en mouvement : Leintrey, Amenoncourt, Gondrexon, Autrepierre, Blamont, Cirey.
Maurice racontera plus tard une de ces escarmouches : son peloton surprit un groupe de la cavalerie allemande, les Hussards de la Mort. Ils firent trois prisonniers. L'officier français les a fait approcher et leur a donné une gifle à chacun... à la grande désapprobation des chasseurs cyclistes français! ("on trouvait que c'était mal fait (sic)").
Ah! Les charges de Uhlans et Hussards de la Mort. Maurice se souvenait bien... qu'il était très difficile d'arriver à toucher un cavalier avec son Lebel!
Horne & Kramer citent un épisode de ces batailles : "le docteur Stamer des Uhlans, a été victime d'une "embuscade" (...) et a été tué par un habitant du lieu. En fait, comme l'établira une enquête interne de l'armée, Stamer n'a pas été tué par des francs-tireurs, mais par des tireurs d'élite de l'armée française à bicyclette" ("1914.Les atrocités allemandes" John Horne et Alan Kramer p.264).
Lorsque le peloton de chasseurs cyclistes entrait dans une ferme ou un village, leur commandant passait toujours devant; il leur avait dit "si je suis tué, sauvez-vous. Mais si je ne suis que blessé, ne me laissez pas!". Et à cette période là, il ne serait jamais venu à personne l'idée de le laisser (cet officier sera tué à Rozelieures).
C'est aussi le temps de la première rencontre avec les obus allemands qui ne font pas bien peur encore. "Ce ne fut pas une très rude épreuve que ce baptême du feu, la peur ne fut pas grande, on rit de ces obus éclatant à 30 ou 40 mètres du sol avec un bruit plaintif plus harmonieux que méchant (ndr: il s'agit de 77 shrapnells); mais c'était la guerre cependant : le Sergent CHAMPION était tué net d'une balle en pleine tête; quelques blessés (...) déploient les premiers paquets de pansement. Il y a de belles choses à raconter aux fantassins du 8ème Corps qui, le soir, relèvent les chasseurs aux avant-postes." (livre d'or du 6e GCC, Capitaine Buisson)
Cette guerre d'escarmouches dura jusqu'au 16 aout.

"bientôt, nos pas réveilleront nos morts de Lorraine et d'Alsace"
Le 17 août, le 6ème GCC s'engage sur la route de Strasbourg, précédé par des cavaliers de la 6ème DC. Les cyclistes traversent Domevre, Blamont, puis ils franchissent la frontière et vont passer la nuit au petit village de St George (en Allemagne).
trajet du 6eGCC

rozelieures rozelieure C'est la percée française en Alsace-Lorraine, avec son goût de revanche. "Ils sonnent français ces noms lorrains et, si une partie des habitants est d'origine allemande, il est quelques vieux — ceux de la « Protestation » — qui crient : « Vive la FRANCE ! » avec tout leur coeur. (...). Et, de la SUISSE à la MOSELLE, ce sont les « Diables Bleus » (ndr : les chasseurs), en effet, qui les premiers, arrachant les poteaux frontières, portent le salut de la mère Patrie aux coeurs français de nos Provinces Meurtries."(livre d'or du 6e GCC, Capitaine Buisson) (voir le chapitre "1870").


Le 18 au petit matin les chasseurs se portent sur Lorquin puis Imling. A 11h ils arrivent à Sarrebourg; l'entrée de la ville est parsemée des cadavres de cavaliers français. Les cyclistes ne restent qu'une paire d'heures à Sarrebourg puis se replient sur Imling. L'artillerie lourde allemande les pilonne, les soldats tombent... cette fois on ne rigole plus des obus allemands!

Nouveau repli, sur Lorquin d'abord, puis sur Hertzing où le 6èmè GCC tente de tenir la position. Dans la nuit du 20 au 21 les allemands attaquent le village. On se bat au fusil, à la grenade et à la baïonnette. Dans la matinée, le groupe est appelé un peu plus à l'ouest pour soutenir un Régiment d'Infanterie du 8ème corps et se retrouve arrosé... par les obus français. Les cyclistes font connaissance avec les erreurs de tir; c'est démoralisant, et malheureusement sanglant.

Le groupe doit se replier vers le sud. Le 21 au soir, le 6ème GCC est encore en Allemagne, à Avricourt; le village est sur la frontière, et les cyclistes se sont établis du côté allemand (Deutsch-Avricourt). Avec les Artilleurs à cheval ils doivent faire face aux troupes bavaroises. Ces deux unités du 6ème DC ont pris du retard dans la retraite de la Division et se retrouvent en position critique. Grâce à la solidarité entre les deux groupes, ils arrivent à se désengager : chacun couvrant l'autre à tour de rôle.


Les cyclistes fuient toujours : Ogerviller le 22, puis ils font une reconnaissance vers Lunéville, mais les Allemands entrent déjà dans la ville. Ils se replient à Moyen, au sud de Gerbeviller où l'on entend des fusillades, puis le lendemain sur la côte Essey... l'artillerie lourde Allemande (150 et 210) arrose le coin et le groupe doit cantonner un peu plus au sud-est, à St Remy, sous le bois de Lalau que le village de Rozelieures surplombe. Nous sommes le 24 août.
Les attaques de Joffre en Alsace et en Lorraine sont un désastre : on n'a pas repris les territoires cédés en 1870, mais pire, les Allemands sont en France! Et ils foncent vers Charmes, repoussant les français qui retraitent. Les pertes françaises sont déjà énormes.

massacre à Rozelieures
Rozelieures fut la première "grande bataille" de Maurice Bach. Le 6ème GCC arrive le 24 août au soir à St Remy, au sud du bois de Lalau (Là-l'eau). Les cyclistes n'ont aucune idée des stratégies des états-majors français et allemand pour la bataille de la "trouée de Charmes", ils savent juste qu'ils doivent "tenir" le bois. Les allemands ont pris Rozelieures et Remenovile et dès les premières heures du 25 août, ils pilonnent le bois de Lalau et les routes alentours avec leur artillerie.
Au petit matin, les chasseurs cyclistes se postent à la lisière nord du bois, faisant face au village de Rozelieures, et sur la droite au village de St Boingt. Les 75 se placent sur le plateau de Borville sur leur gauche. De leur gauche toujours, le 6ème GCC voit débouler les Régiments d'Infanterie qui se lancent à l'assaut de Rozelieures : c'est un carnage. (voir le chapitre "mourir à Rozelieures").
Les fantassins viennent se réfugier dans le bois. Certains, complètement isolés, leur régiment décimé, viennent soutenir le 6ème GCC : "des éléments du 134ème d'Infanterie, décimés, battent en retraite, découvrant le flanc gauche du Groupe. On arrête ces Fantassins, on les place dans les Sections de Chasseurs, leur confiance renaît, ils se feront tuer sans broncher." (capitaine Buisson, livre d'or du 6ème GCC).
Ne pouvant prendre Borville, les troupes Bavaroises reportent tous leurs efforts sur le bois de Lalau. Les combats sont d'une violence extrême, les cyclistes tombent les uns après les autres. "On se fusille à 30 mètres, à10 mètres parfois. Tout ennemi qui pénètre dans le bois est contre-attaqué immédiatement à la baïonnette. Le 1er Peloton fond dans la fournaise, mais il garde ses positions « quand même ». Des Compagnies allemandes reviennent à l'assaut inlassablement avec une grande bravoure. Les obus n'éclatent plus sur les deux adversaires, mais les balles claquent et trouent les corps, les baïonnettes s'enfoncent dans les poitrines, les Hommes frappés à mort tombent comme des masses, les blessés continuent le feu malgré leurs souffrances." (capitaine Buisson, livre d'or du 6ème GCC).
bataille de rozelieure

rozelieure rozelieure Il n'est que 10h30 du matin, mais cela fait déjà quatre heures que le 6ème GCC combat; ils tiennent toujours le bois de Lalau, mais ils ont reculés.
Ils s'attendent au pire lorsqu'arrive derrière eux leurs camarades du 2ème Bataillon de Chasseurs à Pied. "(...) Ce sont les Compagnies du 2ème Bataillon de Chasseurs déployées en Tirailleurs. A leur tête marche le Commandant BOUSSAT, bel homme à la barbe en fleuve, un fusil à la main, calme et décidé — un Chef superbe — un beau Bataillon. « Bravo ! Les Chasseurs, dit le Commandant, y a-t-il un Officier ? » Le Fourrier ANTOINAT lui explique que le Lieutenant Commandant le Groupe vient d'être tué il y a quelques instants. « Vous connaissez le bois, reprend le Commandant, guidez-nous » Et les Chasseurs Cyclistes, mêlés aux lignes du 2ème Bataillon, reprennent la marche en avant." (capitaine Buisson, livre d'or du 6ème GCC).
Le Bataillon de chasseurs ainsi constitué traverse le bois et poursuit jusqu'au village de Rozelieures. Les Allemands battent en retraite; nombre d'entre eux sont tués ou fait prisonniers par les chasseurs que plus rien n'arrête. Les Régiments d'Infanterie se reforment et traversent Rozelieures.




Exténués et décimés, les chasseurs cyclistes se reforment le soir du 25 à Loromontzey. Du 26 août au 07 septembre ils patrouillent dans la région et s'apercoivent que la ligne de front est définitivement fixée. Mais le 6ème GCC est un groupe mobile que l'on envoie sur tous les fronts, et pour eux il n'est pas encore temps de garnir les tranchées.


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