la Somme

Hôpital de Cayeux




"Je ne souffre pas trop de ma blessure, quelques temps fera ma guérison"
Maurice Bach, 06 septembre 1916

"Ma blessure va de mieux en mieux, mais encore j'en ai pour quelques jours.
Cette vue, c'est l'hôpital où je suis : je suis très bien soigné"
Maurice Bach, 15 septembre 1916

"Ma main va de mieux en mieux. Je suis à peu-près guéri.
J'ai une oreille, maintenant elle me fait pas mal, mais seulement je n'y entends pas trop bien.
En mettant ma montre à côté de mon oreille, je ne l'entends pas marcher"
Maurice Bach 21 septembre 1916






Le front de la Somme est une ligne nord-sud qui traverse la Somme entre Amiens et Peronne. Au dessus de Maricourt, le front est tenu par les Britanniques, au dessous, par les VIe et Xe armées françaises. Le front est stable depuis novembre 1914. Une grande offensive franco-britannique est lancée le 01 juillet 1916 : c'est le "big push and big crash"... les pertes humaines sont énormes. Fin juillet, le front a avancé vers l'est de quelques kilomètres du sud de Thiepval jusqu'au nord de Lihon.
Le réseau de tranchées est très dense, le terrain boueux est labouré par les obus et devient lunaire. La défense allemande est acharnée.
Le 18 août, les français repartent l'assaut vers Maurepas. Le village est définitivement pris le matin du 25 août; enfin ce qu'il en reste, car on n'aperçoit plus qu'un amas de briques, poutres et débris de meubles entre les trous d'obus.

Fin juillet, les 6e et 46e BACP sont relevés des tranchées vosgiennes et partent faire trois semaines d'instruction à l'arrière : on fait des exercices d'attaque... ça n'augure rien de bon!

Maurice Bach et les chasseurs du 46e débarquent à Bray-sur-Somme le 28 août à 17h. Le lendemain, ils vont occuper les tranchées de la pestilence au sud-ouest de Maurepas.

L'état-major à prévu une attaque générale le 03 septembre.

Le 30 août, le 46e BACP gagne les tranchées de première ligne entre Maurepas et Le Forest. Les 30,31 août, 01 et 02 septembre, les chasseurs organisent le secteur tandis que l'artillerie lourde française, qui tire de Maricourt, pilonne le terrain. Les bataillons de chasseurs qui vont participer à l'attaque sont positionnés sur la tranchée des Roumains et son doublement, une tranchée de retrait à 150m et la tranchée de réserve 400m en arrière. Les tirs français trop courts tuent et blessent de nombreux chasseurs de la tranchée des Roumains et ils doivent se replier sur la tranchée de retrait.
Le 03 au matin, tous les bataillons doivent reprendre leurs positions de départ. De nouveau le tir de barrage français, artillerie lourde et 75, tue de nombreux chasseurs. En même temps les 77 allemands se mettent en action. Les chasseurs attendent l'heure de l'attaque sous une pluie d'obus qui transforme les tranchées en vagues fossés boueux.

03 septembre. Midi. Il pleut. L'ordre d'attaque est donné, l'objectif est à moins de 100m : une tranchée allemande qui coupe la route Maurepas-Le Forest, une avancée avec mitrailleuse, le chemin creux du Forest et un déblai de 3m avec mitrailleuses étagées et fils-de-fer. Les chasseurs s'élancent par vagues successives, le 43e BCP prend la tête, avec le 46e sur les talons.
Les premières vagues sont décimées par les Mausers, les mitrailleuses et obus ennemis. "A midi les vagues sortaient, remplissaient une mission très dure contre un ennemi non éprouvé, dans des tranchées intactes." (JMO 43eBCP).

artillerie lourde française
Les chasseurs progressent quand même, sautant de trous d'obus en trous d'obus, et finissent au corps-à-corps et à la grenade contre les grenadiers de la Garde allemands. A 13h30 l'objectif est atteint... mais ce n'est pas fini! Ils doivent maintenant poursuivre vers l'est et prendre les tranchées Caucause et Cranière, toujours sous les obus et les tirs de mitrailleuse. Depuis leur observatoire de la ferme de l'Hôpital, les allemands règlent le tir des 210 qui deviennent de plus en plus précis.

A 15h30 les tranchées Caucase et Cranière sont prises. Le 43e BCP "retourne" la tranchée et reste sur place pour organiser la position; c'est au tour du 46e BACP de prendre la tête et de poursuivre la progression.
Les chasseurs s'élancent de nouveau... Même refrain : fusillade, mitrailleuses, obus.

En fin d'après midi, l'état-major peut être satisfait : les "diables bleus" ont pris Le Forest.

Quelque part entre la tranchée des Roumains et la tranchée Cranière, notre petit chasseur de Verfeil progresse derrière les premières vagues d'assaut du 43e BCP.
Un obus tombe trop près... BLAST! ... un éclat lui traverse la main et il n'entend plus rien d'une oreille. Ses camarades lui disent : "c'est rien, remonte avec nous", lui leur répond : "mais non, je ne peux pas, je suis blessé!".
Il rejoindra tout seul le poste de secours où on lui fera un pansement, puis on l'évacuera.

C'était la fine blessure, celle qui ne mutile pas mais qui permet de rester quelques temps loin du front. Il restera en soins jusqu'au 08 octobre 1916 à Cayeux, hôpital militaire où se retrouvaient les blessés de la Somme.


"Il y avait eu quelques chose vers Maurepas ou Le Forest; c'était (...) un de ces épisodes qui n'arrachent pas toujours une ligne au rédacteur du communiqué.
Les blessés n'en affluèrent pas moins toute la nuit. Dès leur descente de voiture, nous les faisions pénétrer dans la grande tente. C'était un immense hall de toile éclairé à l'électricité. (...)
Les blessés qui pouvaient marcher étaient introduits à la file dans une sorte de couloir, entre deux rampes, comme on en voit à l'entrée des théâtres où la foule fait la queue. Ils avaient l'air ébloui et surmenés. On leur retirait leurs armes, leurs coutelas, leurs grenades; ils se laissaient faire, comme des enfants accablés de sommeil. Puis on les interrogeait. Le massacre européen veut de l'ordre. Une comptabilité minutieuse règle tous les actes du drame. Au fur et à mesure que ces hommes défilaient, on les comptait, on les couvrait d'étiquettes; des scribes vérifiaient leur identité avec la froide exactitude d'employés de douane. (...)
Dans un coin, on distribuait de la nourriture et des boissons. (...) Ils se tenaient sur un banc, timidement assis, comme des invités pauvres au buffet d'une fête. En face de ces hommes, il y avait une vingtaine de blessés allemands que l'on avait débarqués là, pêle-mêle. (...) Un fantassin qui se tassait de larges morceaux de bouilli entre les mâchoires dit tout à coup au cuisinier : -Ben quoi! Donnez-leur-z-y quand même un bout de barbaque! - c'est-y que tu les connais? plaisanta le cuistot. - Si je les connais, les vaches! On s'a cogné ensemble toute la sainte journée!"
(Georges Duhamel, civilisation, in "Vie des Martyrs et autres récits des temps de guerre- éd. Omnibus 2005, p.203 et 204" - l'édition originale de civilisation date de 1918)
Hôpital de Cayeux un poste de secours



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