les petits chasseurs vont chercher leur tombe


  secteur Craonne, trajet du 6eBCP Quand au bout de huit jours, le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile,
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher,
Et le coeur bien gros comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots,
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut, en baissant la tête.
(la chanson de Craonne)




Le chemin des dames est une petite route au dessus de l'Aisne, qui va de Soisson à Craonne où elle rejoint la route de Laon. Nivelle a prévu là une grande offensive française pour la mi-avril 1917.

les chasseurs au chemin des dames

Le 12 avril, le 7e groupe de chasseurs, constitué des 6e, 46e et 27e BACP, arrive au Romain, petit village au sud de l'Aisne; Tout le monde s'installe dans les nombreuses grottes qui parsèment le coin. Les chasseurs font "les préparatifs de départ"... ils savent qu'ils vont bientôt partir à l'assaut.

Le 15 avril au matin, les chasseurs se portent à la ferme de Beaugilet où toute la 66e division -à laquelle appartient le 7e groupe de chasseurs- se rassemble. Le 6e BACP a droit à un discours du général Lacapelle sur les opérations du lendemain. La tactique Nivelle est basée sur l'offensive : la première vague d'assaut conquiert les premières lignes ennemies, la seconde vague la dépasse et continue le travail, et ainsi de suite...

Le soir, le 6e rompt en tête vers le nord. Il doit suivre la première vague d'assaut constituée par le 208e RI.
Le 16 avril à 5h30 du matin, les chasseurs se regroupent dans le bois des couleuvres.
A 6h00 précise, le 208e RI saute le parapet de la tranchée de départ et passe à l'assaut.
A 6h30, le 6e BACP se forme en colonnes par deux et traverse le bois de Beaumarais. Il arrive à la lisière nord du bois à 9h30.

L'objectif est devant eux : le bois en mandoline à l'est de Chevreux (avec ses fortifications : les courtines), la tranchée Lützow derrière, puis les tranchées Marteau et Enclume. "On attend avec impatience le moment de bondir" (JMO)

échec incontestable
On s'apercoit tout de suite de l'échec de l'offensive.
"Hélas! L'attaque a échoué. Du 208e RI parti à l'attaque, peu de nouvelles" (JMO -16 avril au matin-)
"Les vagues se succèdent vers Chevreux et vers Craonne, au pied des plateaux. (...) Les rafales fauchent les assaillants qui tombent par centaines. Des troupes allemandes sortent de terre, nullement affectées par le bombardement, et passent à la contre-attaque. Les français sont rejetés. Le 1e corps d'armée (n.d.r. dont fait parti le 6e BCP) vient de perdre, en quelques minutes, six mille cinq cent hommes." Pierre Miquel, le chemin des dames, p.162.


12h00 : les chasseurs doivent occuper les parallèles de départ au nord du bois de Beaumarais et tenir la position entre le poste Oran et le poste Provence. A droite, le 110e occupe les tranchées Enver-Pacha, à gauche le 8e a pris pied dans le bastion de Chevreux... Les chasseurs doivent tenir le centre! L'artillerie lourde allemande arrose copieusement les premières lignes françaises et le nord du bois de Beaumarais.
secteur est : Craonne, Chevreux

carte postale sauvé par des allemands...

Maurice s'est abrité avec un copain dans un trou d'obus : ça met à l'abris des mitrailleuses et puis on dit toujours qu'un obus ne tombe jamais deux fois au même endroit... A vingt mètres devant eux, un petit groupe de chasseurs a eu la même idée. Et un obus de gros calibre s'abat sur ces derniers, les pulvérisant... Et les éclats vont traverser la terre.
Maurice ressent comme une piqûre d'épingle en haut de la cuisse - "Je suis touché, mais ce ne sera rien". Lorsqu'il veut bouger la jambe, impossible. Il s'aperçoit alors que sa chaussure est remplie de sang. Il est blessé, et cloué sur place! Mais il n'est pas seul : son camarade part chercher des secours.
Quelques temps plus tard, ce sont deux prisonniers allemands enrôlés comme brancardiers qui viennent le chercher. Maurice a été très impressionné par le sang froid de ces brancardiers : les balles sifflaient, les obus tombaient, et ces deux là marchaient d'un pas tranquille et assuré. Après la traversé du champs de bataille, Maurice reçoit les premiers soins au poste de secours. Il sera plus tard évacué sur Bayonne.

Nivelle s'acharne : triste bilan

Le soir, quelques rescapés du 208e RI rejoignent les chasseurs... mais impossible de savoir exactement quelles sont les positions conquises.
Le lendemain, 17 avril 1917, les chasseurs du 6e BACP partiront à l'assaut de la tranchée de Lützow... et se feront faucher par les mitrailleuses.
Pendant la période du 15 au 22 avril, le 6e BACP compte 4 officiers et 67 chasseurs tués ou disparus (il faut comprendre ici pour "disparu" : déchiqueté ou enterré par les obus), 5 officiers et 318 chasseurs blessés. Le bataillon a largement fourni sont quota de pertes au chemin des dames (qui est en moyenne de 20% des effectifs engagés).

carte postale de Soisson Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme,
C'est à Craonne, sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau,
Car nous sommes tous condamnés,
Nous sommes les sacrifiés.

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrances,
Pourtant on a l'espérance,
Que ce soir viendra la relève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier, un chasseur à pied
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leur tombe.
(la chanson de Craonne)



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