1918 : DANS LE BROUILLARD DES GAZ


carte patriotique Cela fait plus d'un mois que Maurice et ses camarades chasseurs tiennent la ligne de front au sud-est de Cuvilly (voir le chapitre "1918: Courcelles"). Les allemands n'avancent plus. Début Août, Foch décide une contre-attaque : elle débute le 08, avec les troupes anglaises, sur les fronts à l'est d'Amiens et sur Montdidier. C'est un succès.
Le 120e BCP reçoit son plan d'attaque le 09 août : c'est pour le lendemain.

dans le brouillard des gaz...

Le 10 août à 1h30 du matin, le bataillon se porte sur les emplacements de départ : les chasseurs s'entassent dans les tranchées Florence, Dinard et Quimper, attendant l'ordre d'assaut sous un déluge d'obus explosifs et à gaz. A 4h30, le 121e BCP saute le parapet et s'élance derrière le tir de barrage français. Le 120e BCP, en soutien, suit le mouvement.
7h30 : c'est maintenant aux chasseurs du 120e BCP de prendre la première ligne; ils doivent effectuer des reconnaissances "offensives" (sic) sur le grand bois de Mortemer et le ravin de Cuvilly. Le grand bois semble inoccupé, le ravin de Cuvilly est désert! Les diables bleus occupent le terrain en quelques minutes! "Les unités font plusieurs prisonniers, dont le nombre total pour le bataillon s'élève à 121, parmi lesquels un officier; une mitrailleuse et 4 mortiers sont capturés. Le bataillon a atteint son objectif sans subir de réaction sérieuse de l'ennemi" (JMO du 120eBCP).
A midi, les chasseurs reçoivent l'ordre suivant : "L'ennemi est en désordre, il faut changer cela en déroute." Le 120e doit partir en avant-garde en dispositif de combat. "On ne s'arrêtera pas tant qu'on ne rencontrera pas de résistance sérieuse. (...) Le mouvement sera poursuivi sans arrêt. Il s'agit de pousser ferme de façon à faire des prisonniers et à transformer en déroute la défaite de l'ennemi" (JMO 120eBCP).
Les chasseurs se forment alors en petites colonnes et partent vers l'est. Ils traversent Orvillers-Sorel, le bois Epinette et Conchy, faisant une dizaine de prisonniers et capturant 4 canons de 77. Arrivés en fin d'après-midi à La Poste (lieu-dit au nord de Conchy), "la résistance de l'ennemi commence à se faire sentir par des feux de mitrailleuses" (JMO 120eBCP). Les diables bleus stoppent alors leur progression et cantonnent le soir à La Poste.
Le bilan de la journée du 10 août est de 3 morts, 34 blessés et 40 intoxiqués, soit près de 15% des effectifs hors de combat.

Le lendemain dès 6h00, les chasseurs se préparent à avancer vers l'est, mais ils sont violemment bombardés par des obus à gaz. L'ordre est reporté jusqu'au lendemain, le temps que les divisions d'infanterie à droite et à gauche du 120e arrivent à leur niveau.
12 août : après à peine une paire de kilomètres de progression, les chasseurs sont stoppés par le feu violent des allemands; mitrailleuses, obus explosifs et à gaz empêchent toute avancée au delà de la Matz. Les soldats sont exténués, de nouveau ils viennent de perdre 4 camarades, et plus d'une vingtaine sont intoxiqués. "En secteur depuis le 11 juin, en opérations actives depuis le 10 août, fortement éprouvé pendant son séjour aux avant-postes, en alerte continuelle, le bataillon est très fatigué et a perdu beaucoup de ses cadres." (JMO 120e BCP). Le commandant du 12e groupe leur octroie un jour de repos : "les chasseurs se coucheront et se reposeront car ils en ont grand besoin."(JMO 120e BCP)
Mais ils repartent le 14 août pour occuper le terrain entre la voie de chemin de fer et la Matz. Ils vont rester là jusqu'au 27 août, dans la puanteur des gaz. Les soldats français possèdent maintenant des masques à gaz performants, mais on étouffe là dessous! Maurice racontait que lors d'un assaut, hors de souffle, il avait glissé un doigt sous le masque pour happer l'instant d'une seconde un peu d'air... immédiatement il fut pris d'une violente toux.
Le 26 août, une reconnaissance dans un bois voisin semble montrer que l'ennemi se replie. L'état-major de la division obtient les mêmes renseignements des prisonniers : les allemands se replient 7 à 8 km vers l'est sur le canal. L'ordre de la division est sans surprise : "le contact doit être conservé à tout prix. En conséquence, on tâtera l'ennemi par des patrouilles offensives et des reconnaissances (...)." (JMO 120e BCP).
Mais les allemands couvrent leur repli : toute la journée du 27 août, les chasseurs sont pilonnés par les 77 et les obus à gaz. Le 120e compte un tué, deux blessés et deux intoxiqués. Les chasseurs passent à l'attaque le 28 août : un barrage d'artillerie est déclenché pendant la nuit et il s'intensifie à 4h du matin. A 4h30, ils rejoignent leurs positions de départ. A 5h00 ils s'élancent en direction du bois de Crapeaumesnil. A 5h15, ils sont arrivés à la lisière du bois de Crapeaumesnil sans rencontrer de résistance. Ils poursuivent vers l'est et ne sont arrêtés que par le barrage d'artillerie français qui tire trop court... Les chasseurs doivent patienter. Dans l'après-midi, ils arrivent au niveau de la route qui relie Ecuvilly à Catigny. Là, ils sont stoppés par les mitrailleuses et les obus allemands.
Le lendemain, le 120e doit épauler leurs camarades du 121e BCP pour progresser difficilement jusqu'au bois de Quesnoi. Les chasseurs sont épuisés, depuis le 27 août, ils comptent 4 tués, 19 blessés et 2 intoxiqués : "L'état physique est généralement mauvais. Les chasseurs sont engagés depuis le 10 août dans des conditions très dures, et vivent dans une atmosphère contenant des gaz à l'état latent. (...) . L'état moral reste bon, mais malgré on sent parfaitement que la fatigue influe un peu sur lui." (JMO 120eBCP). On accorde donc aux chasseurs un peu de répit : le 30 et 31 août, ils restent sur place pendant que leurs camarades poussent jusqu'au canal... mais les gaz continuent de frapper : 13 chasseurs sont intoxiqués.
La pause est de courte durée : le 31 à 22h00, ils vont relever en première ligne le 121e BCP.
Pendant deux jours, ils se terrent dans des trous individuels et des abris de fortune contre le canal. Les bombardements à gaz et explosifs sont quasi-continuels, les mitrailleuses constamment en action. Mais les chasseurs n'ont pas fini d'en baver : le 02 septembre, ils reçoivent l'ordre de passer à l'assaut le lendemain.
trajet du 120eBCP carte patriotique


l'attaque du bois du chapitre Le 120e BCP décimé!

Au petit matin du 03 septembre, les chasseurs quittent leurs emplacements de départ pour attaquer le bois du Chapitre. Derrière eux, sur le canal, le bombardement allemand s'est intensifié à partir de 1h30 du matin. Devant eux, le bois situé en hauteur est truffé de mitrailleuses. Entre le canal et le bois, le terrain est une succession de cratères d'obus.
Les chasseurs progressent en rampant et se font faucher par les mitrailleuses. A midi, le 120e n'a toujours pas pu prendre le bois du Chapitre, le commandant estime qu'il ne reste que 30 soldats dans chacune des 3 compagnies. Mais les ordres, téléphonés à midi, ne changent pas :"L'action de la division de droite va reprendre à 14h00. Le colonel vous prie si possible de lier votre mouvement au sien. Je ne lui ai pas caché que cela me semble bien difficile, néanmoins, je compte sur vous pour faire ce que vous pourrez. Je vous transmets les félicitations de tous y compris les miennes pour ce que vous et vos chasseurs avez fait ce matin." (JMO 120eBCP).
Les chasseurs ne peuvent progresser dans le bois mais maintiennent leurs positions. A 17h00, l'ordre est le suivant : " L'éperon abrupt que le 120e vient de conquérir au prix de si lourdes pertes vaut que l'on s'accroche au sol". Donc, il faut tenir...
A 17h30, on fait l'appel : il ne reste que 72 hommes valides sur le terrain. Le 297eRI vient relever les chasseurs vers 23h00.
L'attaque du 03 septembre a fait 166 tués, blessés ou intoxiqués.

Le 120eBCP reste au repos à Ecuvilly les 04 et 05 septembre. On essaye de reconstituer le bataillon en récupérant tous les blessés légers qui ne sont pas évacués... On aligne difficilement 118 chasseurs et 6 officiers.

Le 06 septembre, les rescapés du 120eBCP se portent à Royes-sur-Matz d'où ils embarquent le lendemain pour la Lorraine.


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