juillet 1915 : offensive au Reichackerkopf
Le 19 juillet au soir, les chasseurs montent en première ligne : ils doivent reprendre la crête du Reichacker aux allemands. Le 20 à 8h00 du matin commence la préparation d'artillerie. Pendant plus de trois heures de bombardement, les chasseurs attendent dans la tranchée de départ. Ils savent que lorsque le bruit de la canonnade cessera, il faudra grimper hors de la tranchée et partir à l'assaut. A 11H30, c'est le silence... mais l'attaque est reportée à 12H30. A 12H30, les commandants des 6e et 24e BACP ont un doute sur l'efficacité de la préparation d'artillerie... ils envoient chacun une seule compagnie en reconnaissance. Ces deux groupes sont rapidement stoppés par les tirs allemands : l'attaque est remise à 15H00, les chasseurs attendent toujours dans les tranchées pour partir au casse-pipe. 15H00 arrive, le commandant hésite : les défenses allemandes sont intactes. Il se décide enfin et envoie tout le bataillon à l'assaut à 15h15. Les tranchées ennemies ne sont qu'à quelques mètres... à 15h20 le 6eBACP a déjà pris la première ligne allemande et fait une soixantaine de prisonniers! Moins d'une demi heure plus tard les casques à pointe contre-attaquent. On se bat à la grenade pour quelques mètres du Reichackerkopf. "De 15h50 à 20h00 on se bat à coups de grenades. 20h00 : l'organisation de la position commence. 20h30 : les 6 compagnies du 6eBCP sont en ligne. Le 46eBCP (n.d.r. c'est le bataillon de réserve du 6e) prend sa place dans les tranchées de départ. (...) La nuit se passe sans incident. La situation est acceptable." (JMO 6e BCP). Le 21 juillet à 4h00 du matin, les contre-attaques allemandes reprennent... il y en aura cinq jusqu'à midi. Depuis la matinée d'hier, il n'y a plus d'artillerie en jeu; on se fusille à quelques mètres, on se lance des grenades, les mitrailleuses crépitent. |
![]() |
![]() |
Pour faire comprendre la terrible efficacité des balles des armes de guerre, Maurice Bach racontait l'effet de leur impact sur les sapins des Vosges : l'impact d'entrée de la balle était minuscule -quelques mm- et très net; sur la face opposée -par où sortait la balle- le tronc était déchiqueté sur une surface équivalente à la main. L'après-midi du 21, l'artillerie française entre en action pour maintenir la ligne des chasseurs. A 20h00, le commandant envoie deux escouades en reconnaissance vers les lignes allemandes qui se trouvent à 80m : "La fusillade qui se déclenche et les nombreuses fusées lancées de divers points indiquent bien que la ligne allemande du petit Reicha est sérieusement tenue." JMO 6eBCP. L'attaque est terminée. Le 46eBACP vient relever le 6eBACP exténué qui rejoint le cantonnement de Wida. Pour l'offensive du 20 et 21 juillet 15 au Reichackerkopf, 11 officiers (34,4%) et 439 hommes (29,3%) sont tués ou blessés au 6eBCP. "les résultats obtenus pour des pertes importantes ont été faibles, on peut se demander quelles sont les raisons de cette disproportion." Commandant Meullé-Desjardins, JMO 6eBCP. |
![]() |
Le commandant Meullé-Desjardins écrit dans le Journal de Marche et des Opérations l'analyse de cet échec.
Cette analyse, étonnamment lucide, nous informe sur les conditions dans lesquelles les attaques se font, comment les soldats sont envoyés au casse-pipe pour grignoter quelques mètres.
Les précédentes offensives dans les Vosges de l'année 15 n'ont pas servi de leçon : le Sudelkopf en février, une première offensive au Reichackerkopf en mars, sur Metzeral en juin, au Hartmannswillerkopf de janvier à mars... on s'acharne. "Le front d'attaque est trop étroit pour deux bataillons (n.d.r. ici pour le 6e et 24e BACP). Les boyaux ne sont pas suffisamment larges ni assez profonds. La zone de rassemblement est trop étroite. Les hommes empilés à bloc dans les boyaux et places d'armes rendent l'exercice du commandement presque impossible et les pertes par bombardements importantes et démoralisantes. Tous les boyaux passent en un même goulot ainsi que toutes les communications téléphoniques, il s'en suit que les tirs de barrage (...) sur ce point (...) rompent totalement toute liaison. Le tir de l'artillerie lourde française est défectueux : irrégularité des coups qui tombaient fréquemment sur nos tranchées, nous causant des pertes démoralisantes; défectuosité des obus qui souvent n'éclatent pas; rupture des liaisons qui ne permet pas de rectifier le tir. Le débouché dans des terrains boisés dévastés par le bombardement est rendu presque aussi difficile que dans un réseau de fils de fer" (JMO 6eBCP) |