LOIN DU FRONT : CONVALESCENCE EN NORMANDIE
Maurice est mal. Comme tous les cyclistes du 6e GCC, il est exténué après les combats de Zonnebeke, mais il y a plus : il a de la fièvre et il est pris d'incessantes coliques... comme ses infortunés camarades avec qui il a passé une nuit avec de l'eau jusqu'au cou au poste avancé il y a quelques jours (voir l'inondation de la Belgique dans le chapitre "dans les champs de betterave"). Il est évacué à l'ambulance française de Hondschoote le 05 novembre (n.b.: le terme "ambulance" désigne un poste de secours). Là, les blessés et malades s'entassent, en attente du verdict du médecin qui vient faire le tri. Chacun espère sortir -pour le plus longtemps possible- de l'enfer qu'il vient de connaitre. Vient le tour de Maurice. Le médecin militaire l'ausculte et remplit immédiatement sa fiche médicale (deux cartons roses, plus ou moins complétés par le médecin, qui indiquent le lieu d'évacuation et la description de la pathologie) : évacué à Zuydcoote... Sur le coup, Maurice est sacrément déçu! "quoi? Zuydcoote, à quelques kilomètres? Dans deux jours je suis bon pour retourner sur le front!" La réalité, Maurice va le comprendre un peu plus tard, est bien autre : dysenterie! Il est si gravement atteint que le médecin a estimé qu'il ne pourrait pas survivre à un voyage plus long. Maurice part donc au sanatorium de Zuydcoote transformé en ambulance pendant la guerre. Deux semaines plus tard, son état s'etant amélioré, il est évacué en convalescence à Amfreville (Normandie). "Aujourd'hui je quitte Le Neubourg, je m'en vais au château d'Amfreville chez un député. (...) je ne pense pas voir les allemands de quelques temps!" Maurice Bach 20 novembre 1914 En compagnie d'une douzaine de soldats, Maurice fait sa convalescence chez le marquis de Boury, député et châtelain d'Amfreville. Ici c'est l'arrière, la vie normale; les obus ne pleuvent pas, les maxims et les mausers ne fauchent pas. Le petit chasseur de Verfeil aide au ramassage des pommes pour le cidre, il discute avec les villageois. Sa mère, voulant le voir le plus longtemps possible loin du front, demande au curé de sa paroisse d'écrire au curé d'Amfreville pour qu'il essaye de prolonger la convalescence de son fils. Difficile d'évaluer l'influence d'une telle requête, mais Maurice va néanmoins rester plusieurs mois à l'arrière. |
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Notre petit chasseur de Verfeil disait que s'il avait survécu à la guerre, s'était parce qu'il avait passé -eu la chance de passer!- près de la moitié du temps en convalescence. Pendant qu'il combattait la dysenterie à Zuydcoote, le 6e GCC (ce qu'il en reste!) va être décimé. Aux côtés des anglais, les derniers chasseurs cyclistes maintiennent le front et sauvent Ypres, mais les pertes sont terribles. Après trois mois de combats, le 6e GCC n'existe plus! "Il y a un mois, le Groupe comptait plus de 500 Chasseurs, le 12 Novembre au soir, 70 environ reviennent du combat. (...) Le Groupe Cycliste est trop décimé pour continuer le combat ; il vient de payer généreusement sa dette à la Patrie. (...) Le 6ème Groupe Cycliste avait, depuis le début de la guerre, 7 Officiers tués, dont 4 Commandants de Groupe; 3 Officiers blessés et plus de 600 Sous-officiers et Chasseurs hors de combat. Beaucoup de blessés ne reviendront pas au Groupe Cycliste et seront versés aux 6ème, 27ème, 11ème, 28ème Bataillons de Chasseurs Alpins". (livre d'or du 6e GCC, capitaine Buisson) Il est difficile de nos jours d'appréhender l'importance des pertes humaines lors de la guerre de 14-18. Les termes de "boucherie" ou "carnage" que l'on emploie révèlent l'importance des pertes : la moyenne des soldats tués pour la Grande Guerre est de 900... par jour! On voit que pour les chasseurs du 6e GCC, il y a, en trois mois, 150% de soldats mis hors de combat (tués, blessés, malades) par rapport à l'effectif d'origine. 150% ! Le 6e GCC a du être "renfloué" après la Marne... pour être finalement exterminé en Belgique. On a vu que pour la seule bataille de Rozelieures (une journée), le 15e RI a eu 19,2% de soldats tués ou blessés (voir le chapitre "mourir à Rozelieures"). On note aussi un taux très élevé d'officiers tués (32,3% de tués ou blessés au 15e RI pour la bataille de Rozelieures!). Maurice Bach disait "Au début, les officiers passaient devant. Plus tard, on nous a dit au rapport qu'il y avait plus d'officiers tués par des balles françaises que de balles allemandes. Alors ensuite, les officiers restaient derrière." |
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